Alors qu’elle devait offrir une fin de deuxième trimestre et de premier semestre au plus haut, la séance des 4 sorcières de vendredi dernier a mis en lumière des premières difficultés… Philippe Béchade alerte : l’inflation post-Covid-19 ne sera pas transitoire.
Etrange séance des « Quatre sorcières » qui se solde par un « sell-off », en lieu et place d’un ultime coup de reins qui permettrait de finir sur un deuxième trimestre et un premier semestre au plus haut. Les sommets étaient si proches qu’il semblait impossible de ne pas observer le photo-finish.
Le S&P500 avait inscrit deux nouveaux records absolus lundi et mardi (au-delà de 4 250 points), le Nasdaq100 se hissait vers un nouveau zénith jeudi soir (un peu plus de 14 200 points) et l’EuroStoxx50 a subitement dérapé de -1,8% en posant le pied sur un nouveau sommet à 4 165,6 points à 11h45. Et un peu moins de 6 heures plus tard, l’EuroStoxx50 évoluait sous les 4 080 points, effaçant l’intégralité de ses gains depuis le 1er juin.
Mais il y a pire : le Dow Jones (-1,58%) alignait vendredi un rare 5/5 à la baisse et encaissait un sévère -3,5% hebdomadaire – sa pire performance depuis fin octobre. Et ce n’est pas tout ! Le Dow Jones vient de valider une huitième séance de baisse sur une série de 10 : soit -4,2% en deux semaines. L’indice historique efface ainsi en une semaine tous ses gains depuis le 5 avril.
Mais presque personne n’y a prêté attention puisque les commentateurs s’extasiaient jeudi soir sur le record absolu égalé sur le Nasdaq Composite et battu sur le Nasdaq100.
En effet, les valeurs « growth » ont pris une revanche éclatante la semaine passée sur les « cycliques ». Et même si le Nasdaq a cédé 0,9% à 14 030 points vendredi, il ne s’effrite que de -0,3% en hebdomadaire, rien de spectaculaire, et surtout, rien d’alarmant techniquement. On ne peut pas en dire autant du Dow Jones et de l’EuroStoxx50.
Et que penser du CAC40 qui a culminé à 6 666 points jeudi, un score symbolique validé de façon diablement précise, avant de retomber 100 points plus bas dès le lendemain ?
Une inflation « transitoire » qui dure ?
Mis à part les « technos », la volatilité a fait son grand retour le jour des « 4 sorcières », le VIX bondit de +10% vers 21,5), et pas seulement sur les actions.
C’est parti dans tous les sens et cela paraissait même n’avoir aucun sens : forte détente des taux, lourde chute de l’or (complètement anachronique vu la baisse de -7 points du rendement des T-Bonds), chute des matières premières (métaux, pétrole, soft commodities), hausse du Dollar (tout aussi contre-intuitive vu la baisse de sa rémunération vers 1,44%)… Et j’en passe.
La FED serait-elle responsable de cette sorte de chaos ?
Wall Street abordait la réunion de Banque centrale américaine qui se déroulait mardi et mercredi avec beaucoup de confiance… confiance qui s’est largement évaporée dès mercredi soir : la FED ayant nettement revu à la hausse ses prévisions d’inflation pour fin 2021, au-delà de 3%.
Wall Street s’attendait à une confirmation d’une poussée « transitoire », au-delà de 2,5% au 2ème et 3ème trimestre… mais plus de 3%, cela ne peut signifier que du « transitoire qui dure ».
Et le coup de grâce aux illusions – entretenues jusque-là par la répétition des mêmes éléments de langage que Wall Street souhaitait entendre – a été administré par James Bullard – président de la Réserve fédérale de Saint Louis et l’un des membres les plus « colombe » de la FED – qui évoque le possibilité d’une hausse de taux plus imminente que 2023 si la reprise reste « meilleure qu’attendu » et si l’inflation s’avère plus durable qu’espéré.
La moyenne des anticipations des divers membres de la FED à l’issue de la dernière réunion induit un scénario à deux hausses en 2023. Mais James Bullard envisage une hausse « dès l’année prochaine s’il devient nécessaire de contenir les pressions inflationnistes. »
Paradoxalement, l’évocation de hausses de taux semble avoir rassuré les spécialistes du marché obligataire sur le risque inflationniste comme le prouve la détente de 1,51% jeudi soir vers 1,44% vendredi… Cela peut-il expliquer la chute conjointe du pétrole, des matières premières, et même des métaux précieux dans des proportions aussi inattendues ?
Les deux refuges anti-inflation par excellence ont subi un véritable mini-krach. Et ce, malgré le reflux du 10 ans américain de 1,57% et jusque sous les 1,45% en une semaine. L’or et l’argent ont perdu 6 à 7% en 72 heures et -8% en six séances. Le palladium a également dévissé de 12% en 48 heures, de -17% en trois semaines. Du jamais vu depuis début mars 2020 !
Deux lames de fond semblent s’être télescopées vendredi : la prise de conscience que l’argent gratuit, c’est bientôt fini – mais ça, tout le monde pouvait le prévoir – et cette double annonce des autorités de Pékin qui annoncent que la Chine va puiser dans ses stocks stratégiques (cuivre, fer, nickel…) tandis que les appels de marge sont fortement élargis pour le trading sur les matières premières (à Shanghai et Dalian) pour refroidir le marché… et à mon humble avis, mettre une grosse claque aux spéculateurs sur les « commodities ».
Et plus de la moitié des spéculateurs de la planète sur les « commos » sont, devinez… chinois (et 85% des positions sont portées par des particuliers et non des professionnels utilisant ces produits de base).
Et dans ce cas, le coup consistant à se débarrasser des « avides » et des « mains faibles » serait d’autant plus magistral que l’or a de nouveau perdu 150 $, alors que la Chine demeure et demeurera le plus gros acheteur, devant l’Inde et la Russie.