Les déboires d’Archegos Capital n’auront pas secoué bien longtemps la sphère financière, si on en juge la pluie de nouveaux records recensés à Wall Street. La multiplication des plans de relance et les politiques monétaires extraordinairement accommodantes des banques centrales donnent à penser que les marchés financiers ne ralentiront pas de sitôt, estime Philippe Béchade dans cette chronique.
La faillite d’Archegos Capital est manifestement déjà oubliée, comme en témoigne la salve de nouveaux records absolus enregistrés à Wall Street (ainsi qu’en échanges électroniques sur le CAC40, le DAX30 et l’Euro Stoxx 50).
On ne peut même pas parler de résurrection du « bull market » au sortir du week-end pascal, attendu que les marchés financiers étaient déjà résolument « bullish », tous au zénith… et les leviers à leur maximum au vu du ratio « call/put » et du recul du « VIX » sous les 19,5, une première depuis le 23 février 2020. Mais comment pouvait-il en aller autrement après la publication de l’ISM américain des services (NDLR : l’indice d’activité dans le secteur tertiaire), qui a bondi de 8,4 points le mois dernier à 63,7 points, bien au-delà donc des 58,5 points attendus par le consensus, tandis que les chiffres mensuels de l’emploi dévoilés vendredi faisaient état de la création de plus de 900 000 postes non-agricoles, 250 000 de plus que prévu, et que le taux de chômage retombait à 6%.
Et ce n’est qu’un début, le nouveau plan d’investissements de 2 000 Mds$ de l’administration Biden, venu s’ajouter au « relief plan » de 1 900 Mds$ adopté il y a quelques semaines, annonçant de toute évidence d’autres « plans », plus ambitieux encore et qui pourraient entériner un savant mélange de revenu universel et d’« helicopter money ».
Ça gagne à tous les coups… mais jusqu’à quand ?
Le financement de ces plans ne pose aucun problème : il suffit d’imprimer de l’argent (qui retirerait sa confiance au dollar ! Archegos Capital n’avait cependant aucun problème non plus pour financer ses opérations à effets de levier puisqu’il lui suffisait d’emprunter de l’argent. Et puis qui retirerait sa confiance à un des gérants de hedge funds les plus admirés de Wall Street ?
Les managers d’Archegos n’ont en fait jamais éveillé les soupçons des contrôleurs de risque. Contrairement à des aventuriers qui ont tenté des ventes à découvert malencontreuses sur GameStop, AMC ou Tesla, ils ont, il est vrai, toujours misé sur la hausse des marchés et des titres affichant la meilleure vélocité haussière en 2020, en se gavant de « CFD » et de dérivés de type « swap de rendement absolu ».
Difficile de trouver des gérants plus coopératifs et plus à l’écoute des banques centrales. Si ces dernières ont supprimé le « risque », le risque est donc dans son tort et cette anomalie sera sûrement corrigée.
C’est indispensable si on émet l’hypothèse que de nombreux hedge funds ont eux aussi pris des leviers de 8 ou 10 par rapport aux collatéraux offerts en garantie aux banques créancières (Credit Suisse et Nomura notamment, qui pourraient subir des pertes nettement supérieures aux 2 Mds$ concédés du bout des lèvres la semaine passée) et il ne peut exister d’autre issue que « d’ancrer les anticipations » d’un non-marché dans lequel le seul scénario est celui d’une hausse éternelle, génératrice de gains à l’infini.
Parce que le renversement de cette mécanique engendrerait des pertes tout aussi infinies… mais infiniment plus rapides !
Reste que penser pouvoir entretenir ce contexte du « ça gagne à tous les coups » est surtout… infiniment idiot et infiniment dangereux !