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Saint-Gobain, le nouveau « Air Liquide » des petits porteurs ?

By 23 juin 2025No Comments

Loin des modes médiatiques actuelles que sont l’IA ou l’armement, le spécialiste français des matériaux Saint-Gobain poursuit sa croissance. Le modèle d’affaires diversifié du groupe limite son exposition aux soubresauts de l’économie, et sa rentabilité ne se dément pas.

L’ancienne Manufacture royale des glaces de miroirs, fondée au milieu du XVIIe siècle sous le règne de Louis XIV, est loin de s’ankyloser. Désormais présente dans plus de 75 pays, et forte de 166 000 employés, Saint-Gobain continue d’investir pour pérenniser son activité et maintenir sa compétitivité à l’international.

Son dernier effort en date : le lancement de nouvelles capacités de production en Finlande sur son site de Forssa. Située à une centaine de kilomètres de la capitale Helsinki, l’usine produit de la laine de verre et des isolants acoustiques depuis les années 1970. Au début du mois de juin, cette implantation historique a été dotée d’un nouveau type de ligne de production : de la laine de verre à bilan carbone réduit.

La production de cet isolant bas carbone ne fait pas que répondre à la demande en matériaux éco-responsables, c’est aussi un moyen d’adapter la production à la nouvelle donne énergétique en électrifiant les procédés de fabrication. Ainsi, Saint-Gobain se prépare à l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans notre mix énergétique.

 

Usine Forssa Saint-Gobain

L’usine de Forssa, en Finlande, est un laboratoire du verdissement des procédés de fabrication de Saint-Gobain (photo : Saint-Gobain)

 

L’énergie consommée par le site de Forssa se compose pour moitié de biogaz, et pour le reste d’électricité d’origine renouvelable. A terme, toutes les activités du groupe sont susceptibles d’être décarbonées. Isolants thermiques et acoustiques, plaques de plâtre, verres : ces productions énergivores ont vocation à s’appuyer de plus en plus sur les sources d’énergies vertes. Un pari qui ne sera pas nécessairement trivial sur le plan industriel, mais qui pourrait à terme représenter une source d’économies là où beaucoup voient la transition énergétique comme un poste de coûts.

Comment Saint-Gobain compte profiter de la décarbonation

La feuille de route vers le zéro carbone de Saint-Gobain est ambitieuse. Durant les cinq prochaines années, le groupe prévoit de réduire ses émissions de CO2 de 33 %. Cet objectif, déjà conséquent, ne reste qu’une première étape avant d’atteindre la neutralité carbone complète, prévue pour 2050 dans le plan stratégique Grow & Impact. 

Pour assurer cette trajectoire, le groupe prévoit de faire feu de tout bois.

Au niveau des approvisionnements, Saint-Gobain va intensifier son utilisation de matériaux recyclés. Le Français est déjà un pionnier du recyclage du verre, expérimentant l’intégration de verre recyclé dans la fabrication de la laine de verre depuis les années 1980. Certaines de ses lignes intègrent déjà jusqu’à 80 % de matériaux issus du recyclage, et l’usine de Forssa en consommait déjà plus de 30 000 tonnes par an.

Progressivement, les lignes de production utilisant du méthane ont vocation à basculer du gaz naturel vers le biogaz issu de la méthanisation de biomasse. C’est déjà ce qui a été fait sur le site de Forssa, où trois réservoirs de biogaz ont été installés pour ne pas dépendre des approvisionnements par le réseau gazier.

Le défi sera de parvenir à reproduire ce modèle sur toutes les installations du groupe, tous les territoires n’étant pas égaux face à la disponibilité du biométhane. En France, par exemple, les unités de méthanisation restent morcelées, peu puissantes, et il n’existe pas de marché du biogaz à l’échelle du territoire.

Mais le plus gros défi sera certainement l’électrification des procédés, et la capacité à utiliser les sources d’électricité renouvelables. En Finlande, Saint-Gobain s’appuie sur l’abondance d’électricité d’origine hydraulique. Cette source d’énergie décarbonée a pour avantage de pouvoir délivrer de fortes puissances (les barrages hydroélectriques pouvant avoir une capacité-crête de plusieurs centaines de MW) et d’être pilotable (ils peuvent être allumés et éteints en quelques minutes).

Pour atteindre la neutralité carbone, Saint-Gobain devra parvenir à utiliser les sources intermittentes comme le photovoltaïque et l’éolien. C’est dans ce cadre que l’industriel a signé un contrat d’achat d’électricité (PPA, power purchase agreement) en fin d’année dernière avec Boralex. S’étalant sur une durée de 20 ans, il prévoit d’acheter la production de deux centrales solaires et une centrale éolienne qui seront mises en service entre 2026 et 2027. Au total, la production annuelle devrait atteindre les 110 GWh, couvrant sur ce seul accord 10 % des besoins électriques de Saint-Gobain en France.

Le mois dernier, sa filiale Saint-Gobain UK a annoncé un projet d’usine de fabrication d’isolants en laine de roche alimentée par électricité renouvelable. L’investissement, qui nécessitera une enveloppe de plusieurs millions de livres sterling, sera une première pour l’industriel au Royaume-Uni.

Des ambitions autofinancées 

Là où de nombreux industriels s’adonnent soit au greenwashing (annonces non suivies d’effets), soit aux investissements à fonds perdus en profitant des subventions, Saint-Gobain s’attache à ce que ses investissements dans le zéro carbone soient faits sur fonds propres. Selon les analystes, cette modernisation de l’appareil productif a vocation à être autofinancée, le groupe n’ayant annoncé aucune subvention publique à ce jour.

Il faut dire que le groupe peut se targuer d’une santé financière insolente. L’an dernier, il a battu simultanément un record de marge d’exploitation, à 11,4 % du chiffre d’affaires, et de génération de cash-flow libre, à 4 Mds€. Cette année, le groupe vise encore une marge d’exploitation supérieure à 11 % et n’oublie pas les actionnaires avec un dividende en hausse de 5 % et des rachats d’actions prévus pour atteindre 400 M€ sur l’année.

Avec une croissance saine et une valorisation modérée (12,5 fois le cash-flow attendu cette année), l’action pourrait bien être le nouvel Air Liquide des épargnants qui cherchent une valeur pouvant être mise en PEA, et oubliée pour les dix années à venir.

Etienne Henri

Etienne Henri est titulaire d'un diplôme d'Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l'industrie pétrolière, puis l'électronique grand public. Aujourd'hui dirigeant d'entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l'intérieur les opportunités d'investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

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