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Le jeu dangereux des droits de douane

Les tarifs douaniers ont longtemps joué un rôle majeur dans l’économie américaine, oscillant entre outil de protection industrielle et source de revenus pour l’Etat. Aujourd’hui, alors que leur retour suscite des débats enflammés, l’Histoire offre un rappel saisissant des conséquences d’une politique commerciale protectionniste. Quels enseignements peut-on tirer des crises du passé pour comprendre les enjeux actuels ?

 

Par Matt Benjamin, expert des marchés de l’Oxford Club

 

Les tarifs douaniers ne sont pas nouveaux historiquement, aux Etats-Unis. En fait, jusqu’à la loi « Revenue Act of 1913 », qui a instauré l’impôt fédéral permanent sur le revenu, les tarifs douaniers étaient la principale source de revenus du gouvernement.

On les considérait également comme une façon de protéger de la concurrence étrangère le secteur manufacturier américain alors balbutiant, et d’ouvrir la voie vers une croissance industrielle à long terme.

Toutefois, dès le début des années 1900, ces deux raisonnements n’étaient plus du tout d’actualité. L’impôt sur le revenu s’était révélé être un générateur de recettes extrêmement efficace, qui surpassait largement les recettes générées par les tarifs douaniers.

Et les Etats-Unis étaient devenus une puissance mondiale, dont la majeure partie du secteur industriel n’avait plus besoin d’être couvée par le gouvernement.

A l’ère de la libéralisation des échanges qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale et conduit à la suppression des tarifs douaniers et autres obstacles aux échanges commerciaux, le PIB a grimpé de façon spectaculaire. Ce fut l’une des croissances économiques les plus rapides de l’histoire du pays. Selon les données, le libre-échange a été très positif, en fait, pour les Etats-Unis.

 

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Le libre-échange a été très positif pour les Etats-Unis

Source : Visual Capitalist

 

L’argument en faveur des tarifs douaniers, aujourd’hui – sur environ 1 500 Mds$ d’importations annuelles – se fonde sur des notions d’équité et sur la génération de recettes.

Le président Trump et ses partisans affirment qu’un retour aux tarifs douaniers sur les importations empêchera d’autres pays de profiter de l’Amérique en volant ses usines et ses emplois dans l’industrie.

Ce raisonnement est curieusement semblable à celui de la fameuse loi « Smoot-Hawley Tariff Act of 1930 », dont les défenseurs affirmaient « qu’elle allait protéger les marchés intérieurs des produits provenant d’une main-d’œuvre étrangère bon marché ».

(Evidemment, il est clair que Trump se sert également des tarifs douaniers comme levier pour forcer d’autres pays à agir sur des questions non commerciales, comme le contrôle aux frontières ou le trafic de drogue, et cela pourrait marcher dans une certaine mesure. Mais si d’autres nations appliquent des tarifs douaniers en représailles, ce qui est déjà en train d’arriver, il sera peut-être trop tard pour que Trump abandonne les siens).

L’effet de la loi Smoot-Hawley a été catastrophique. Au lieu de réduire le chômage et de stimuler l’industrie américaine, elle a déclenché une guerre commerciale mondiale, a fait baisser les exportations américaines (surtout de produits agricoles) et a contribué à réduire de plus de deux tiers le volume des échanges commerciaux.

(Petite note à Trump et à ses alliés pro-tarifs douaniers du Congrès : le sénateur Smoot et le Représentant Hawley ont tous les deux été chassés du Congrès lors du cycle électoral suivant).

Les tarifs douaniers actuels ont déjà un impact négatif. Les dépenses de consommation et le niveau de confiance ont chuté au cours du mois qui s’est écoulé, dans un contexte où les Américains commencent à avoir peur que les tarifs douaniers n’accélèrent l’inflation. S’ils sont maintenus jusqu’à la fin de l’année, les tarifs douaniers pourraient engendrer jusqu’à 2 000 $ de coûts en plus pour chaque ménage américain.

Les chefs d’entreprises s’inquiètent de plus en plus de l’impact des tarifs douaniers : près de la moitié des dirigeants du S&P 500 ont évoqué ce sujet lors des publications de résultats du quatrième trimestre.

Et ces tarifs douaniers pourraient plonger deux des plus proches partenaires commerciaux des Etats-Unis dans la récession, ce qui se répercuterait certainement sur l’économie américaine.

 

Attiser les craintes de récession

Pour toutes ces raisons, les marchés financiers semblent fébriles.

L’indice S&P 500 a chuté de plus de 7 % depuis que Trump a été investi. Et les rendements obligataires, qui avaient bondi quand Trump a été élu sur l’anticipation d’une forte croissance du PIB, ont chuté au cours des six dernières semaines.

Le baromètre de la peur de Wall Street – l’indice de volatilité du CBOE (ou VIX) – a bondi aux alentours de 20, ce qui indique que les investisseurs sont proches de la panique.

Certains observateurs déclarent qu’une bonne partie de cette baisse est plus étroitement liée à une « peur soudaine pour la croissance » chez les investisseurs, dans un contexte où les données économiques ont été plus faibles ces deux derniers mois. C’est certainement une partie de l’explication mais, même si elle est aussi importante qu’ils le disent, les tarifs douaniers exacerberont gravement ce ralentissement.

Prenons le secteur du logement. Il représente près d’un cinquième de l’économie américaine, mais à cause des taux d’emprunt élevés et d’une pénurie nationale de biens, il est en récession depuis la pandémie de COVID-19.

Il faut construire plus de logements aux Etats-Unis dès maintenant pour mettre fin à ce marasme. Et pourtant, les tarifs douaniers appliqués sur le cuivre et le bois de construction (éléments clés du secteur), ainsi que sur l’acier et l’aluminium, ne feront qu’aggraver la crise de l’accessibilité au logement.

 

Après 75 ans de libéralisation des échanges commerciaux, l’économie américaine est étroitement liée aux économies de beaucoup d’autres pays (du Mexique et du Canada en particulier).

Les tarifs douaniers, qui stoppent cette intégration, vont provoquer des dégâts immédiats et durables. Les investisseurs devraient se montrer prudents et rester fidèles à nos principes d’investissement.

 

Ce texte est extrait du dernier mensuel The Oxford Communiqué. Cliquez ici pour accéder à nos recommandations d’investissement privées et à notre portefeuille exclusif !

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