En plus de semer le trouble et de créer des mouvements de panique sur les marchés financiers, les annonces tous azimuts de Donald Trump concernant les taxes douanières pourraient affecter le marché des devises et nuire à la crédibilité du dollar…
Vous le savez peut-être, la prochaine réunion de la BCE aura lieu jeudi. Et comme avant chaque rendez-vous de banque centrale, faire un point sur la situation graphique du marché du Forex n’est jamais inutile.
Depuis plus de quinze ans (depuis la fin de la crise des subprimes pour être précis), l’Eurodollar évolue dans une forte tendance baissière. Mais depuis le début du mois de mars, les cours ont amorcé une nette reprise qui laisse envisager la formation d’un point d’inflexion plus durable.
D’un côté, nous avons en Europe des inflexions historiques, avec la fin de l’orthodoxie budgétaire allemande par exemple. A ce propos, le plan de relance massif de 800 Mds€ acté le mois dernier va profiter en premier lieu à des secteurs comme l’industrie et la défense. Premier « bon point » en termes d’afflux de capitaux.
Du côté des Etats-Unis, les choses sont assurément plus mouvementées depuis la fin mars, avec l’entrée en vigueur des nouvelles taxes douanières et surtout, depuis les nombreux rebondissements occasionnés par Donald Trump sur lesquels je revenais la semaine dernière.
Le week-end dernier a aussi connu son lot de rebondissements et de nouvelles annonces pour le moins inopinées.
Vendredi soir, l’administration Trump a annoncé l’exemption des droits de douane réciproques pour le secteur technologique. Cette mesure concernait notamment certains composants électroniques indispensables à la fabrication des écrans, des smartphones et des ordinateurs portables (liste non-exhaustive puisqu’elle comprend en réalité une vingtaine de catégories de produits).
Mais c’était sans compter sur la versatilité de Donald Trump qui a précisé les contours de cette annonce dimanche : finalement, lesdits produits seront bien surtaxés à hauteur de 20 %. Le président américain a également ajouté qu’un projet de taxation spécifique pour le segment des semi-conducteurs serait prochainement mis en place.
Je ne sais pas vous, mais je commence à trouver cela usant. D’ailleurs, tout comme Ray Dalio (P-DG de Bridgewater, le plus gros hedge fund au monde), je crains que cela ne finisse par grever la crédibilité même du billet vert.
En effet, le niveau de versatilité ambiant pourrait tarir les flux entrants outre-Atlantique et soutenir d’autant plus le marché obligataire américain. Et si, dans le même temps, les plus gros détenteurs de dette US ne sont plus là (j’ai nommé le Japon et la Chine), la question d’une défiance durable vis-à-vis du dollar pourrait se poser.
Eurodollar : l’écart se creuse
Graphiquement, on voit que le dollar Index ci-dessous teste dangereusement son support horizontal de court terme (cf. rectangle bleuté sur le graphique pris en base mensuelle ci-dessous).
Dollar Index entre 2008 et 2025
Source : ProRealTime
Sur la paire Eurodollar, le franchissement de la résistance horizontale des 1,1250 $ (cf. ellipse orange sur le graphique pris en base mensuelle ci-dessous) a conduit à un effet boule de neige classique, lié au déclenchement des premiers achats stop situés au-dessus.
Eurodollar entre 2007 et 2025
Source : ProRealTime
Mon avis pour la suite ? Je pense désormais qu’une sortie par le haut du long canal baissier de moyen terme pourrait bien suivre.
Auquel cas, revoir une parité eurodollar vers les 1,30 $ n’aurait rien d’illogique, elle pourrait même prendre la direction de la cible technique des 1,40 $ à plus longue échéance (cf. flèches noires à double sens ci-dessus).
On avait déjà vu ces dernières années que la recherche de dédollarisation de la part des BRICS était à l’oeuvre.
Elle l’est toujours (elle est même plus que jamais d’actualité). Et en ce début d’année 2025, je crains que les revirements intempestifs de Donald Trump aggravent les choses sur le billet vert dans les mois qui viennent…
PROTECTIONNISME ET LIBRE-ÉCHANGE
Le dollar n’est qu’un signe parmi d’autres. Le fait que Trump, par sa politique protectionniste, cherche à protéger les USA du monde est très révélateur d’un changement total dans les équilibres des puissances mondiales. Les partisans occidentaux du Libre échange n’ont pas compris qu’ils étaient concernés aussi et que sauf quelques très riches sociétés internationales, apatrides, c’est toute l’économie occidentale qui doit se penser autrement que pendant les deux siècles précédents. L’Occident a été en situation de domination scientifique, technique et économique pendant deux siècles. Il ne l’est plus. Le Protectionnisme serait une guerre déclarée par Trump, pour des raisons idiotes ?
Mais le Libre Échange, la Concurrence, ont été pendant deux siècles, et sont toujours actuellement, une guerre permanente.
Cette guerre profitait à l’Occident, elle est donc « sacrée ».
il est évident qu’avec la mondialisation cette situation a changé. Il va sans doute falloir désacraliser certaines politiques pour en pratiquer d’autres. La baisse de crédibilité du dollar est seulement le reflet de la baisse de puissance économique de l’Occident. Trump un idiot ? A voir.