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Finance : la place parisienne s’envole

By 19 juin 2023No Comments

Longtemps dans l’ombre de la City londonienne, Paris a pris une nouvelle dimension dans le monde de la finance ces dernières années. Une situation qui rapporte beaucoup à l’Etat, mais qui peut aussi représenter une belle opportunité pour les investisseurs particuliers

 

Avec le Brexit, Londres a perdu son statut de point d’entrée privilégié vers l’économie européenne.

Autrefois, les entreprises étrangères plébiscitaient les implantations dans la City pour disposer d’une structure juridique située dans un pays pro-business et donnant accès à l’intégralité du marché européen.

Le Royaume-Uni ayant pris le parti de s’isoler du Vieux Continent, maintenir des structures et des effectifs sur place perd de son intérêt. Le monde de la finance, par nature plus réactif que l’industrie manufacturière, a déjà pris ses dispositions.

Les chiffres sont sans équivoque : pour les grosses mains, l’avenir se joue en Europe, et c’est là qu’il faut disposer de talents – quitte à réduire les effectifs londoniens.

Alors qu’il est de bon ton de dépeindre la France comme un enfer fiscal et règlementaire, c’est pourtant bien la place parisienne qui bénéficie le plus de ce transfert de troupes vers le continent.

En termes de croissance des effectifs, Paris fait mieux que Dublin, qui est pourtant la porte d’entrée vers le marché irlandais, connu pour être ultra favorable à l’ingénierie financière. Notre capitale coiffe même au poteau Francfort, haut lieu du capitalisme allemand et siège de la BCE.

 

Goodbye London, bonjour Paris !

Dans sa dernière étude sur l’impact du Brexit, le cabinet EY a décompté 1 200 départs de banquiers de Londres vers Dublin, 1 800 départs vers Francfort, et près de 2 800 vers Paris.

Plus qu’une vague, c’est un raz de marée : si le Brexit a été voté en 2016, ses dispositions n’ont pris pleinement effet qu’en 2021. Ainsi, les déménagements de salariés ont eu lieu principalement entre 2021 et 2022 – ce qui souligne la rapidité du mouvement.

Pour beaucoup, le succès de Paris tient avant tout au niveau de vie offert aux employés. Entre le climat irlandais et l’austérité allemande, la réputation de la vie parisienne (qu’elle soit méritée ou non) aurait été un élément-clé dans le processus de décision des grandes banques.

De fait, Citi et Goldman Sachs ont fortement augmenté leurs effectifs dans la ville, avec 400 profils qualifiés chacune. JPMorgan Chase, qui détiendrait le plus grand contingent de banquiers dans la capitale, aurait triplé leur nombre à 900 personnes.

 Il y a quelques semaines, Choose Paris Region, l’agence d’attractivité internationale de la région Ile-de-France, publiait son rapport annuel sur les investissements étrangers de l’année 2022. Pour l’agence, notre capitale a été choisie pour 136 nouveaux projets « post-Brexit » dans la finance, pour un total de 5 500 emplois créés.

 

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   Perspectives d’emplois créés suite au Brexit, selon le décompte de Choose Paris

 

Les grands gagnants sont… étrangers

Au niveau macroéconomique, il va sans dire que notre tissu économique ne pourra que profiter du déplacement du centre de gravité du monde de la finance vers notre territoire.

Longtemps, la bonne santé de l’économie anglaise a été attribuée à la financiarisation de son économie – et il est vrai qu’en plus de Londres, les exemples de Singapour et Hong Kong confirment que les villes qui deviennent le centre névralgique de la circulation des capitaux croissent plus vite que les économies purement industrielles qui les entourent. Déjà, les pouvoirs publics peuvent se féliciter d’être les premiers à profiter de la manne : les cinq plus grandes banques américaines ont versé, à elles seules, plus de 440 M€ de taxes dans l’Hexagone l’an passé.

Pour les investisseurs, la recette pour tirer parti de la situation n’est pas bien plus compliquée que de lever l’impôt. Profiter de la financiarisation d’une économie n’a rien de sorcier, il suffit d’acheter les titres des grands établissements bancaires qui opèrent sur la zone géographique en question.

En France, le dynamisme retrouvé de la place parisienne peut inciter à se porter vers les valeurs bancaires tricolores. Les fondamentaux de nos banques incitent également à l’achat : de BNP à la Société Générale, en passant par le groupe Crédit agricole, les ratios restent bas et les rendements alléchants !

Pourtant, il est possible de sortir de notre tropisme hexagonal et de profiter de l’essor de Paris en investissant sur les groupes étrangers qui s’y sont implantés.

JPMorgan Chase illustre parfaitement le coefficient multiplicatif que peut apporter un déplacement d’activité. L’entité parisienne emploie désormais 900 personnes, ce qui représente une augmentation des effectifs de +60 % sur un an. Mais dans le même temps, l’activité a bondi de 170 % pour dépasser les 1,83 Md€. Le résultat net, pour sa part, a progressé de +154 % à plus de 1 Md€.

 

Une crise bancaire ? Quelle crise bancaire ?

JPMorgan n’est pas le seul géant à connaître une accélération de son activité à Paris bien plus rapide que la hausse de ses effectifs. Il en est de même chez Goldman Sachs (+108 % de revenus sur le marché français, pour un quadruplement des bénéfices), ou encore Bank of America (+88 % de revenus).

Selon les prévisions, les effectifs installés dans notre capitale devraient même continuer de croître dans les prochains mois. Les locaux occupés par Goldman Sachs sont dimensionnés pour une augmentation de 25 % des effectifs. Morgan Stanley, qui a pourtant annoncé un nouveau plan de réduction d’effectifs de -2 % en décembre dernier, prévoit de doubler la taille de ses équipes parisiennes avant la fin 2023.

Outre ce dynamisme, les grandes banques américaines peuvent se vanter d’avoir bénéficié de la vague de panique qui a submergé le secteur ces derniers mois. Les marchés ayant virtuellement condamné le modèle des banques régionales, les déposants n’auront désormais guère d’autre choix que d’opter pour les établissements systémiques pour y déposer leurs liquidités.

Ces banques « too big to fail« , cauchemars des régulateurs, ont profité de la panique des déposants pour augmenter encore leur poids relatif sur le marché. Ayant survécu à la phase de hausse des taux sans subir de bank run, elles sont, de manière contre-intuitive, dans une situation nettement plus favorable aujourd’hui qu’il y a douze mois de cela.

Avec des hausses modérées sur un an de leurs titres (+15 % pour Morgan Stanley, +16 % pour Goldman Sachs, +22 % pour JPMorgan, et seulement +1 % pour Citi), et des ratios boursiers sages pour le marché américain, ces mastodontes de la finance sont presque des actions value !

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Evolution du prix des actions Goldman Sachs (bleu), JPMorgan (jaune), Morgan Stanley (turquoise) et Citigroup (orange) sur 12 mois.

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